vendredi 31 mai 2013

#20 - Une mère

Dans la pénombre, une femme tente de rajuster la couette sur le corps de son enfant endormi. Le tissu est coincé sous le corps du garçonnet ; elle tire doucement, soucieuse de ne pas le réveiller autant que de lui éviter le coup de froid. En voyant les traits du petit visage se contracter, elle renonce à poursuivre sa lutte silencieuse ; elle n’a gagné que quelques centimètres. Tant pis ! la manœuvre est trop risquée.
Juste à côté, une petite fille, à peine plus âgée que son frère, tousse dans son sommeil. La mère esquisse un sourire devant cette volonté qu’a la fillette, jusque dans l’inconscience, de se faire aussi discrète que possible, pour ne pas déranger le sommeil de son petit frère. Elle caresse les cheveux de l'enfant, laisse glisser la main sur son front : non, rien d’anormal de ce côté-là. Soulagement. Là aussi, elle remonte la couverture, rapproche un doudou.
Elle se redresse et étire son dos endolori, puis se rassied à côté de son fils. Elle entend les portes du théâtre voisin s’ouvrir sur le flot quotidien des spectateurs, encore tout entiers à la pièce qu’ils viennent de voir. L’un d’entre eux la frôle ; dans l’obscurité, il n’avait pas vu les trois formes blotties sur le trottoir.

lundi 22 avril 2013

#19 - L'adieu en larmes

Il partageait ma vie depuis 14 ans. Quatorze années de tendresse et d'un amour inconditionnel, quatorze années à rechercher ma présence même quand j'étais mal lunée, quatorze années à essuyer les larmes sur mon visage en cas de gros temps, quatorze années à bâfrer, quatorze années de grands et de petits moments. Depuis avril 2012, nous savions l'échéance inéluctable, mais malgré plusieurs alertes, il avait réussi à tenir le coup douze mois de plus. Et puis, vendredi, les symptômes redoutés ont refait leur apparition. Nous avons eu le week-end pour nous dire adieu et profiter de quelques heures supplémentaires.

Ce matin, j'ai dit adieu à mon chien.

dimanche 31 mars 2013

#18 - Rat de bibliothèque, épisode 1

J'aurais pensé qu'avec la préparation des oraux du concours, mars 2013 n'allait guère être propice à la lecture. Mais c'était sans compter ce premier week-end passé à me noyer dans les policiers historiques d'Anne Perry, et ces heures grapillées de ci, de là...


Anne Perry, Dorchester Terrace

Anne Perry, "Dorchester Terrace".

Le 27e opus de la série "Thomas & Charlotte Pitt". C'est sa lecture, en anglais (merci la bib !) qui m'a donné envie de replonger le nez dans l'univers de ce couple atypique d'enquêteurs de la Londres victorienne.
Promu directeur de la Special Branch, Thomas Pitt se voit propulsé dans un univers dans lequel il n'est pas à l'aise. Il est bien conscient que plus d'un le verrait chuter avec plaisir, et quand il a vent d'un complot visant à tuer sur le sol britannique un obscur membre de la dynastie des Habsburg en visite chez ses royaux parents, il sait que son avenir se joue.
Une bonne lecture, vraiment. Une intrigue intéressante, qui élargit le champ de la série à une dimension géopolitique européenne, et quelques surprises joliment amenées. Sans regrets !


Anne Perry, "L'étrangleur de Cater Street".

À ce stade, l'envie m'a donc reprise de relire la série, en respectant cette fois l'ordre chronologique. Retour à Cater Street, donc !

Un tueur en série attaque des jeunes filles à proximité de Cater Street, où vivent Charlotte Ellison et sa famille. L'inspecteur Thomas Pitt, chargé de mener l'enquête, n'a socialement aucune existence dans cet univers bourgeois, et la passivité à laquelle il se trouve confronté complique sérieusement sa tâche, malgré son intelligence.

Anne Perry, Le mystère de Callander Square

Anne Perry, "Le mystère de Callander Square".

Les cadavres de deux enfants nouveaux-nés sont déterrés au hasard de plantations dans un square huppé de Londres. Thomas Pitt est chargé de l'enquête mais, pour autant qu'il cherche à préserver sa jeune épouse de ce "fait divers" sordide, Charlotte et sa sœur Emily comptent bien contribuer à sa résolution. Elles usent pour cela des entrées dont elles disposent du fait de leur bonne naissance ou des relations nées du beau mariage d'Emily, et qui sont fermés à un vulgaire policier...

Anne Perry, Le crime de Paragon Walk

Anne Perry, "Le crime de Paragon Walk".

Londres, 1884. La luxueuse avenue de Paragon Walk s'éveille en plein drame : une innocente jeune fille de dix-sept ans, Fanny Nash, y a trouvé la mort, violée et étranglée. L'inspecteur Pitt est chargé de l'affaire. Sa tâche s'avère encore plus délicate que d'habitude. Une nouvelle fois confronté à l'aristocratie, il va aussi devoir enquêter chez Lady Emily Ashworth, la soeur de sa chère Charlotte ! Fanny a été agressée alors qu'elle revenait de chez Emily et George, son mari, reste très évasif sur son emploi du temps au moment du crime. Cacherait-il quelque chose ? L'enquête piétine. Bien décidée à percer le mystère, Emily entraîne Charlotte dans les réceptions mondaines. À la quête des petits secrets qui cachent les grandes dépravations, elles démasqueront un coupable complètement inattendu.

Anne Perry, Silence à Hanover Close

Anne Perry, "Silence à Hanover Close".

Londres, 1887. L'inspecteur de Scotland Yard Thomas Pitt est chargé de reprendre l'enquête sur un cambriolage meurtrier commis trois ans plus tôt, au cœur du très chic quartier d'Hanover Close, en vue d'attester de la moralité d'une jeune femme qu'un diplomate souhaite épouser. Un parfum d'espionnage plane autour de l'affaire et Thomas aura une fois de plus besoin de l'aide de sa femme Charlotte et de sa belle-sœur Emily. Dans un milieu très fermé, leur enquête va s'avérer complexe mais aussi très dangereuse et les menaces de mort violente vont aller crescendo, y compris contre Thomas...

Un vrai régal pour les admirateurs de Thomas et Charlotte, sans doute une des meilleures enquêtes du couple.


Anne Perry, "Un étranger dans le miroir".

Après cinq volumes des aventures du couple Pitt, j'ai eu peur de me lasser (un relent de vécu ?). Pour autant, je n'avais pas envie de quitter cette atmosphère d'Angleterre victorienne. J'ai donc opté pour l'autre grande série policière de cette auteur britannique, et me suis lancée dans le 1er volume des aventures de William Monk.
William Monk, inspecteur de police chevronné, se réveille à l'hôpital. Violemment agressé il y a quelques semaines, il a perdu la mémoire. Ce qu'il s'empresse bien de taire à ses supérieurs, qui auraient tôt fait de l'exclure manu militari de la police londonienne. Revenu à la vie professionnelle, il mène parallèlement une enquête sur le meurtre d'un jeune aristocrate, survivant de la bataille de Crimée, et sur lui-même. Il découvre d'abord qu'il n'était ni très sympathique ni très aimé, et qu'il avait laissé tomber sa famille, d'origine trop modeste, pour mieux réaliser ses ambitions. Il se rend compte aussi qu'il avait été mêlé de très près au meurtre sur lequel son supérieur, qui veut sa peau, le laisse investiguer...


Anne Perry, Un deuil dangereux

Anne Perry, "Un deuil dangereux".
Décembre 1856 à Londres. William Monk et son équipier, le sergent John Evan, enquêtent sur la mort d'Octavia Haslett, une des filles de Sir Basil Moidore qu'on a retrouvée poignardée dans sa chambre. Comme il s'agit d'une famille huppée, le chef Runcorn recommande à son inspecteur de mener ses investigations avec du doigté et une certaine retenue. La thèse officielle attribue ce crime à un cambrioleur qui aurait été surpris par la victime. Après avoir présenté ses condoléances aux membres de la famille, Monk commence à les interroger mais, visiblement, ses manières comme ses questions déplaisent. De son côté, Evan retrouve Chinese Paddy, marchand de poisson le jour et monte-en-l'air le soir. Durant la nuit tragique, il faisait le guet à proximité de la maison de Sir Basil, et affirme n'avoir vu personne en sortir. Monk doit s'y résoudre : le meurtrier était déjà dans la maison, et a ensuite maquillé le meurtre pour brouiller les pistes.

Laurent Gounelle, Les dieux voyagent toujours incognito

Laurent Gounelle, "Les dieux voyagent toujours incognito".

Un roman psychologique à visée de développement personnel. Une histoire de prise de confiance et d'affirmation de soi : à quelques jours d'un oral pour lequel l'attitude était au moins aussi importante que le contenu de l'intervention, il m'a semblé que c'était là une lecture qui constituait une distraction salutaire !
Imaginez : un homme vous sauve la vie, en échange de votre engagement de faire tout ce qu’il vous demandera. Cela, pour votre bien. Le dos au mur, vous acceptez et vous vous retrouvez embarqué dans une incroyable situation où tout semble vous échapper. Vous n’êtes plus le maître de votre existence, et pourtant, à bien des égards, elle est plus excitante qu’auparavant ! Toutefois, peu à peu, le doute s’installe en vous : quelles sont les intentions réelles de cet homme ? Qui est-il vraiment ? Et qui sont les personnages énigmatiques de son entourage ? Les découvertes que vous faites n’ont rien pour vous rassurer.

Atiq Rahimi, Syngué sabour

Atiq Rahimi, "Syngué Sabour".

L'envie de lire ce roman, prix Goncourt 2008, m'est venue en écrivant pour le travail le synopsis du film que l'auteur en a fait. Est-ce de l'avoir trop attendu ? j'ai été presque déçue, et le dénouement m'a laissée sur ma faim. Un jour, je regarderai le film - peut-être la belle Golshifteh Farahani saura-t-elle me transmettre le message que je n'ai pas trouvé dans le livre ?
Une femme veille depuis deux semaines son mari, héros de guerre qu'une balle reçue dans la nuque lors d'une bagarre stupide a plongé dans le coma. Autour d'elle, la bataille gronde et se rapproche. Pour éviter de devenir folle du fait de la tension née de cette double contrainte, elle se met à parler, parler comme jamais encore elle n'avait eu l'occasion de le faire à celui qui est son mari depuis 10 ans, et que pourtant elle n'a côtoyé que pendant trois ans tout au plus. Elle fait de cet homme inerte sa "syngué sabour", sa pierre de patience, cette pierre magique à qui on livre tous ses secrets, toutes ses souffrances jusqu'à ce que, saturée, elle explose.

Pascale Gautier, Les vieilles

Pascale Gautier, "Les vieilles".

Un avis mitigé sur ce roman, récompensé de plusieurs prix - peut-être parce que je ne l'ai pas encore terminé ?
Au Trou, où il fait beau 365 jours par an, il n'y a que des vieux. Et, surtout, des vieilles. Des dévotes, des amères, des paranoïaques, des médisantes, des pipelettes - à 75 ou 90 ans, elles essayent de faire face du mieux qu'elles peuvent à l'évolution d'un monde qui change trop pour elles. Et ce n'est pas l'arrivée de Nicole, toute jeune retraitée, qui risque d'améliorer la situation...

vendredi 29 mars 2013

#17 - Malentendu

Une remarque de mon collègue, tout à l'heure, alors qu'il s'apprêtait à partir, m'a d'abord surprise, puis amusée, jusqu'à me donner l'envie de rire.

Il venait de me demander si j'avais mon fils ce week-end et, apprenant que ce n'était pas le cas, m'a conseillé, d'un air mi-sérieux, mi-taquin : "eh bien, n'en profite pas trop, hein ! Pense à te reposer un peu, quand même ! Parce que, ce n'est pas parce qu'on ne dit rien qu'on ne remarque rien !!" Mon silence interloqué a dû ressembler à ses oreilles à un silence réprobateur, car il a ajouté : "note, tu as raison, et on est contents de te voir retrouver le sourire et le moral !"

Ainsi donc, ces messieurs me prêtent une aventure galante ? S'ils savaient, les pauvres !!

Non, il n'y a toujours qu'un seul homme dans ma vie. Il a quatre ans, mesure 1m05 et pèse à peine plus de 15 kilos. Et c'est le seul homme dont je puisse dire avec certitude que je l'aimerai jusqu'à mon dernier souffle, quoi qu'il fasse.

Mais sûrement la nouvelle inattendue de mon admissibilité au concours, la saisine du juge aux affaires familiales, la stimulation intellectuelle née de ma préparation à l'épreuve orale m'ont-elles en effet plus libérée que je ne le pensais. Et si j'y réfléchis, effectivement, je me sens plus légère que le mois dernier à la même heure. Et je profite mieux des petits bonheurs ordinaires.

Il n'empêche : qu'ils attribuent ce regain de vitalité à la présence d'un homme me divertit. :-)

dimanche 24 mars 2013

#16 - Montagnes russes

J'ai passé cette dernière semaine en classe, pour une préparation à l'oral de mon concours. Je ne regrette pas cette dépense : je me sens bien mieux préparée et équipée que je n'aurais jamais pu l'être en solo. Entre les éléments de connaissances qui nous ont été donnés, y compris sur les projets de réformes actuellement en préparation, et les simulations d'entretiens, l'épreuve qui m'attend demain a été bien bordée. Et pourtant, malgré cela, j'oscille depuis lundi entre enthousiasme et abattement. Et cette alternance est épuisante, je le mesure un peu plus à chaque jour qui passe.

La présentation en dix minutes de mon parcours professionnel et de mes compétences, ainsi que de mon projet et de mes motivations, est désormais bouclée, je crois. J'aurais aimé pouvoir en soumettre la dernière version à quelqu'un ; mais je ne sais si cela aurait au fond été très bénéfique : ai-je vraiment le temps d'y apporter des modifications, autrement qu'à la marge ?

Quant au reste... C'est simple, j'ai l'impression d'être une usurpatrice ! Mes connaissances en termes de "culture territoriale" me semblent bien légères, quasi inexistantes dans certains domaines (je redoute d'éventuelles questions sur le Grenelle de l'Environnement !) Comme d'habitude, mon côté "touche-à-tout" fait que je ne connais rien en profondeur ; la polyvalence a ses limites...

Qui a dit qu'on était toujours son pire juge ?...

dimanche 17 mars 2013

#15 - Pressentiment ?

Ce matin, tout en suivant vaguement le dessin-animé que le lutin insistait pour que je regarde avec lui, je tâchais de trouver une position confortable dans son fauteuil-oeuf. Et je me disais qu'une fois les fonds dûs par Caliméro enfin revenus sur mon compte bancaire, ce serait une bonne idée que je me mette en quête d'un canapé pour ce salon. Pas trop grand, parce qu'il ne reste guère d'espace. Un deux places, disons. Mais convertible, parce que c'est quand même pénible de n'avoir que la chauffeuse du petit comme couchage d'appoint. Pour les séjours brefs de sa princesse, c'est bien, mais c'est à peu près tout. 

Quelques minutes plus tard, je découvrais la dernière forfaiture de Mademoiselle Chat, qui avait profité d'une porte laissée ouverte par inadvertance, en allant chercher un pull dans ma chambre. Adieu, couette, draps, alèse et même housse de matelas : il n'y a pas pire odeur que celle de l'urine d'un chat. 

Et voici comment je me retrouve, quelques heures plus tard, alors que tous les supports envisageables ont été transformés en séchoirs pour couette, draps, alèse et même housse de matelas, contrainte de dormir au milieu du salon sur une chauffeuse trop petite pour moi, couverte autant que faire se peut par des plaids en polaire eux aussi trop petits (penser à ré-investir dans un duvet, tiens, aussi !). 

J'ai toujours trouvé que Dieu avait un sens de l'humour très particulier...

samedi 16 mars 2013

#14 - V.

Je ne me souviens plus quand j'ai commencé. Enfin, RE-commencé, plutôt : la première fois, c'était peu après mon mariage, quand les remarques sur mon inactivité ont commencé à faire trop mal. Et puis j'ai trouvé un travail, et j'ai cru que tout était rentré dans l'ordre. J'ai insisté pour arrêter, très vite. Trop vite. J'ai eu tort, bien sûr.

Il m'a fallu longtemps pour l'admettre. Il m'a fallu longtemps pour accepter de recourir une nouvelle fois à cette aide, pour accepter de reconnaître que, seule, je n'allais pas y arriver. Ce devait être peu après ma séparation d'avec mon ex-mari, je pense. Six ans. Cela doit faire six ans que je suis sous traitement. Si longtemps ?

Parfois, j'ai pensé pouvoir rompre. Avant qu'un nouvel aléa ne vienne me rappeler la fragilité de mon équilibre.

Longtemps, j'ai pensé pouvoir m'en passer. J'avançais dans ma vie, sans différence notable, jusqu'à ce qu'une sensation de vertige assez désagréable vienne me rappeler que, ce matin-là, je n'avais pas eu le petit geste qui rythmait d'ordinaire mon quotidien.

Depuis quelques semaines, quelques mois, le spleen et le mal-être qui m'assaillent me font prendre conscience du dépassement du cycle de vingt-quatre heures, bien avant que les symptômes du sevrage brutal ne fassent leur apparition.

Aujourd'hui, je sais que mon traitement risque de se poursuivre un bon moment encore. Et je le vis, quelque part, comme un échec.

Je n'avance pas seule dans la vie. Ma compagne s'appelle Venlafaxine.